Intermarché renonce aux photos personnalisées avec le loup de sa pub pour « respecter ses principes »
- Maxime Lemoine

- il y a 1 jour
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Le loup d’Intermarché n’aura finalement pas droit à son passage dans les cabines Photomaton. Alors que la publicité de Noël de l’enseigne a rencontré un succès viral exceptionnel, en France comme à l’international, le distributeur a décidé de renoncer à un projet de photos personnalisées mettant en scène sa mascotte. En cause : le recours à l’intelligence artificielle, jugé incompatible avec les principes défendus par la campagne publicitaire elle-même.
Depuis sa diffusion, le film de Noël d’Intermarché s’est imposé comme l’un des phénomènes publicitaires de l’année. En racontant l’histoire d’un loup solitaire, longtemps craint et rejeté, qui choisit de changer pour pouvoir enfin partager un repas avec les autres animaux de la forêt, l’enseigne a touché un public bien au-delà de ses clients habituels. Le message, simple et universel, autour du vivre-ensemble, de l’acceptation et du changement, a suscité une vague d’émotion rarement observée pour une campagne de grande distribution.

Face à cet engouement, Intermarché a naturellement réfléchi à des prolongements possibles. Après avoir évoqué la création de peluches à l’effigie du loup, l’enseigne a envisagé, durant un temps, un dispositif plus interactif : permettre aux clients de repartir avec une photo souvenir les mettant en scène aux côtés du célèbre personnage. Le projet devait s’appuyer sur des cabines Photomaton installées dans les galeries commerciales du groupement Les Mousquetaires, capables de générer des images personnalisées en intégrant le loup dans le décor.
Sur le papier, l’idée semblait séduisante. Elle promettait de renforcer le lien affectif entre le public et la mascotte, tout en capitalisant sur la notoriété exceptionnelle de la publicité. Mais très vite, une question s’est imposée en interne : celle de la cohérence. Car ces photomatons reposent en grande partie sur des technologies d’intelligence artificielle générative, utilisées pour incruster des personnages, créer des décors ou modifier des images en quelques secondes.
Or, l’un des éléments clés du succès de la publicité d’Intermarché réside précisément dans son mode de fabrication. Le film a été réalisé par un studio d’animation français, avec le concours de nombreux artistes, animateurs et techniciens, et sans recours à l’intelligence artificielle. À une époque où de plus en plus de marques font le choix de l’automatisation pour réduire les coûts et accélérer les délais, Intermarché avait au contraire mis en avant le travail humain, la sensibilité artistique et le temps long de la création.
C’est cette contradiction potentielle qui a conduit l’enseigne à faire marche arrière. Un représentant d’Intermarché l’a expliqué clairement : "C’est pour une question de cohérence de notre message face à l’IA. Nous avons découvert que le projet avec Photomaton recourait à l’intelligence artificielle, ce qui entrait en contradiction directe avec le message de notre précédente campagne publicitaire." Plutôt que de céder à ce qui aurait pu être perçu comme une opportunité de buzz supplémentaire, le groupe a choisi de rester fidèle à l’esprit de sa communication.
Cette décision intervient dans un contexte plus large de débats autour de l’intelligence artificielle et de son impact sur les métiers créatifs. De nombreux artistes, illustrateurs et animateurs expriment leurs inquiétudes face à des technologies capables de produire des images en masse, parfois au détriment du travail humain. En renonçant à ce projet, Intermarché envoie donc un signal, volontairement ou non, en faveur d’une certaine éthique de la création.

Cela ne signifie pas pour autant que l’enseigne abandonne toute idée de produits dérivés. Bien au contraire. Intermarché a confirmé la mise en place d’un autre projet autour de son loup, jugé plus en adéquation avec ses valeurs. "Une centaine de peluches loup vont être créées en France, et nous les distribuerons à des associations qui aident les enfants hospitalisés", a précisé l’entreprise. Dans un second temps, d’autres peluches devraient être produites en France et en Europe, en fonction des volumes, afin d’être commercialisées dans les magasins du groupe.
Ces peluches, attendues pour la fin de l’année 2026, s’inscrivent dans une démarche plus classique, mais aussi plus tangible. Elles prolongent l’univers du film sans recourir à des technologies controversées et permettent de conserver un lien fort avec l’émotion suscitée par la publicité originale. Pour Intermarché, il s’agit aussi de montrer que le succès d’une campagne ne doit pas nécessairement conduire à une exploitation tous azimuts, au risque de diluer son message.
Au final, le loup de Noël continue de faire parler de lui, non seulement pour ce qu’il raconte à l’écran, mais aussi pour ce qu’il révèle des choix stratégiques et éthiques d’une grande enseigne. En renonçant aux photos personnalisées générées par l’IA, Intermarché assume un positionnement qui privilégie la cohérence à la tentation du spectaculaire. Une décision qui, à sa manière, prolonge le message du film : parfois, changer de direction est la meilleure façon de rester fidèle à ce que l’on est.

















































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