Christy : Sydney Sweeney incarne une boxeuse minée par la gloire et la violence conjugale – TIFF 2025
- Maxime Lemoine

- 7 sept.
- 3 min de lecture
Présenté en avant-première mondiale au Festival international du film de Toronto 2025, Christy de David Michôd s’inscrit dans la longue tradition des biopics sportifs, mais avec une tonalité nettement plus sombre. Le film retrace la trajectoire exceptionnelle et tragique de Christy Martin, pionnière de la boxe féminine, première femme à faire la couverture de Sports Illustrated, et survivante d’un mariage violent avec son entraîneur.
Si le récit, qui dure plus de deux heures, emprunte beaucoup aux codes classiques du genre, il parvient néanmoins à capter l’attention grâce à la performance habitée de Sydney Sweeney. L’actrice américaine, révélée dans Euphoria puis confirmée dans divers registres, livre ici une composition saisissante qui mêle rage, fragilité et résilience.

Le film s’ouvre dans une petite ville minière de Virginie-Occidentale. Dès le lycée, Christy se distingue par une passion inébranlable pour la boxe : « Je veux juste mettre mes adversaires KO », lance-t-elle avec une désarmante sincérité. Son talent la propulse rapidement sur les circuits régionaux, où elle attire l’attention d’un entraîneur, Jim Martin (Ben Foster).
D’abord sceptique, ce dernier devient vite son mentor, puis son mari. Leur union, marquée par une différence d’âge importante et une dynamique de pouvoir toxique, pose les bases d’une relation destructrice. Jim, soupçonnant Christy d’être homosexuelle, exerce sur elle un contrôle oppressif, mélange d’exploitation professionnelle et de domination personnelle.
À la manière des biopics sportifs traditionnels, Christy déroule les étapes de l’ascension de son héroïne : signature avec le flamboyant promoteur Don King (incarné avec panache par Chad Coleman), combats spectaculaires à Las Vegas, image de « fille de mineur en rose » qui séduit le grand public. Le film ne manque pas le passage obligé de la séquence d’entraînement, héritée de Rocky, où la protagoniste enchaîne les victoires dans un montage énergique.
Mais derrière l’apparence de succès, la violence domestique s’installe. Le contraste entre la force affichée sur le ring et la vulnérabilité à la maison constitue l’un des axes dramatiques les plus forts du film. David Michôd, coscénariste avec Mirrah Foulkes à partir d’une histoire de Katherine Fugate, choisit d’accentuer cette dualité, quitte à délaisser parfois la dimension purement sportive.

La dernière partie du film bascule résolument dans le drame intime. Après une carrière marquée par des victoires, mais aussi par une défaite humiliante face à Laila Ali, Christy affronte surtout l’enfer domestique. Les scènes de confrontation avec Jim deviennent insoutenables, culminant dans une tentative de meurtre glaçante.
Cette section rappelle d’autres récits cinématographiques sur les violences conjugales : l’assassinat de Dorothy Stratten dans Star 80, ou les abus subis par Tina Turner dans What’s Love Got to Do With It. Le public présent à Toronto a réagi avec stupeur et émotion à cette plongée dans l’horreur conjugale, preuve que Michôd a su capturer la brutalité de la réalité vécue par Christy Martin.
Le film repose largement sur les épaules de Sydney Sweeney, et elle relève le défi avec brio. Tour à tour féroce sur le ring et brisée dans l’intimité, son interprétation rend justice à la complexité d’une femme qui refuse de céder, malgré tout. Elle confirme ainsi qu’elle peut dépasser son image de star montante pour s’imposer comme une actrice capable d’endosser des rôles de grande intensité dramatique.
Ben Foster, de son côté, compose un Jim Martin aussi terrifiant que charismatique, incarnation du mari abusif poussé à l’extrême. L’acteur, déjà remarqué pour son rôle dans The Survivor, montre une nouvelle fois son engagement total, malgré un choix capillaire discutable (cette perruque blonde suscite quelques sourires involontaires). Merritt Wever, dans le rôle de la mère distante, et Katy O’Brian, touchante en amie fidèle Lisa Holewyne, complètent une distribution solide.
Si Christy séduit par son intensité et par la véracité de son histoire, le film souffre néanmoins d’une structure trop conventionnelle. À force de cocher les cases attendues — découverte du talent, ascension, gloire, chute, rédemption —, il donne parfois une impression de déjà-vu. Le spectateur averti des biopics sportifs devine à l’avance certaines étapes, ce qui limite l’effet de surprise.
De plus, la durée de 2h15 paraît excessive : certaines séquences répétitives alourdissent le récit, surtout dans la partie centrale. Le choix de reléguer la boxe au second plan dans le dernier acte peut également frustrer ceux qui attendaient un film davantage centré sur le sport.
Malgré ces réserves, il reste essentiel que l’histoire de Christy Martin soit portée à l’écran. Survivante d’une relation abusive et figure emblématique de la boxe féminine, elle continue aujourd’hui de témoigner et de s’engager contre les violences conjugales. Mariée depuis 2017 à Lisa Holewyne, elle est devenue une militante inspirante et une promotrice respectée dans son sport.
À ce titre, Christy dépasse le simple cadre du biopic sportif pour devenir un témoignage social et humain. Même imparfait, le film a le mérite de rendre hommage à une femme qui a transformé ses blessures en force.


































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