Catherine Ringer face à Serge Gainsbourg : le clash légendaire qui a bouleversé la télévision française, sous le regard figé d’un Michel Denisot trop choqué pour intervenir
- Auriane Laurent

- 19 oct.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Catherine Ringer et Serge Gainsbourg : le clash télévisé devenu légende, entre provocation, douleur et renaissance
C’est l’une des séquences les plus marquantes de la télévision française. En 1986, sur le plateau de l’émission Mon Zénith à moi sur Canal+, Catherine Ringer et Serge Gainsbourg se retrouvent face à face. Deux générations, deux univers, deux visions de l’art. Et une étincelle qui va tout faire exploser.
Ce jour-là, l’ambiance est électrique. L’animé Michel Denisot invite les deux artistes à s’asseoir sur le même canapé. Catherine Ringer, alors en pleine ascension avec le duo Les Rita Mitsouko, évoque sans détour son passé dans le cinéma pornographique. Une sincérité que Serge Gainsbourg ne supporte pas.

D’un ton glacial, il lâche :
« Vous êtes une pute. »
Impassible, Catherine lui répond calmement :
« Oui, cela a à voir avec ça. »
Mais Gainsbourg insiste :
« Pute, putain. »
Ringer, toujours d’un calme déconcertant, réplique :
« Non, ce n’est pas le même métier. »
Puis elle ajoute qu’elle a simplement vécu “une aventure moderne”.Gainsbourg s’emporte :
« C’est dégueulasse. »
Elle répond alors, sans baisser les yeux :
« L’aventure moderne n’est pas dégueulasse. Nous avons notre éthique. »
Quand le ton monte, Catherine Ringer finit par contre-attaquer :
« Vous, vous avez l’air d’un vrai dégueulasse. Depuis que je suis petite, tout le monde le dit de vous. Vous êtes le dégueulasse-type. On ne comprend même pas ce que vous racontez. »

Le compositeur de La Javanaise réplique, amer :
« Moi, je n’ai jamais montré ma queue, contrairement à vous. »
Sous les regards gênés du présentateur, Gainsbourg menace encore :
« Vous allez prendre deux baffes, ça va être vite fait. »Et il se moque du sourire de Catherine, de sa dent ébréchée.
Mais elle, loin de s’effondrer, garde sa dignité. Ce soir-là, Catherine Ringer devient un symbole : celui d’une femme qui refuse de se laisser humilier, d’une artiste qui ne se cache plus derrière la honte.

En 1986, Serge Gainsbourg vit déjà sa métamorphose en Gainsbarre, ce double autodestructeur qu’il a lui-même inventé. L’artiste, génial et provocateur, sombre dans l’alcool, les excès et les scandales. Il n’est plus seulement le poète de Je t’aime moi non plus, mais l’ombre d’un mythe qui s’effrite.
« Gainsbourg est mort, vive Gainsbarre », disait-il, lucide sur sa propre chute.
À la télévision, il multiplie les dérapages : en 1986, sur le plateau de Champs-Élysées, il choque tout le pays en lâchant à propos de Whitney Houston :
« I want to f*ck her ! »Deux ans plus tôt, il avait brûlé un billet de 500 francs en direct sur TF1, pour dénoncer le fisc français.Provocation, dérision, autodestruction : Gainsbourg semble vouloir tout consumer, y compris lui-même.
À l’inverse, Catherine Ringer, blessée mais debout, poursuit sa route avec Fred Chichin. Ensemble, ils signent des hymnes inoubliables — Marcia Baïla, Andy, C’est comme ça — et inscrivent Les Rita Mitsouko au panthéon du rock français. Après la mort de Fred en 2007, Catherine continue seule, plus libre que jamais.

Malgré les humiliations publiques, Catherine Ringer n’a jamais exprimé de haine envers Serge Gainsbourg. Après la mort de ce dernier, le 2 mars 1991, elle lui rend hommage en 2014, dans l’émission Hier encore sur France 2, en interprétant Je suis venu te dire que je m’en vais.Un geste à la fois élégant et bouleversant, où la mémoire efface la rancune.
En 2017, dans C à vous sur France 5, Catherine revient sur son passé douloureux. Pour la première fois, elle parle de l’homme qui l’avait manipulée à ses débuts — un “pervers narcissique” qui l’avait entraînée “dans le monde du porno et de la violence”.
« Je me suis laissée faire, j’en ai beaucoup souffert. J’ai pleuré, j’ai eu des séquelles. Mais j’ai survécu. »
Cette confession tardive éclaire d’un jour nouveau son attitude face à Gainsbourg, ce soir-là : non pas de la provocation, mais une résistance silencieuse, celle d’une femme déjà brisée, mais qui refuse d’être brisée encore.

Près de quarante ans plus tard, ce duel verbal reste gravé dans la mémoire collective. Il résume toute une époque : la fin des illusions, la naissance d’une parole féminine plus forte, et la confrontation brutale entre deux visions du monde.
Serge Gainsbourg, l’ange noir du génie autodestructeur, est mort en 1991, laissant un vide immense dans la chanson française.Catherine Ringer, elle, vit toujours, chante toujours — comme une survivante lumineuse d’un temps où la télévision osait encore tout montrer.
Une insulte, un sourire, une caméra. Et deux légendes qui, ce soir-là, ont écrit sans le savoir une page d’histoire de la culture française.


































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