Le prix que Ringo a dû payer après un bonheur qu’il croyait éternel : abandon de Sheila et de leur fils unique, faillite, et un bonheur inachevé auprès d’une nouvelle femme
- Auriane Laurent

- il y a 20 heures
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En l’an 2000, le ciel de Toulouse, en France, semblait illuminé par le bonheur retrouvé de Ringo. Après de longues années de silence, loin des projecteurs qui avaient fait de lui l’une des idoles de la chanson française des années 1970, l’homme qui formait autrefois le duo mythique Sheila & Ringo vivait ce qu’il appelait « une belle revanche sur le passé ». Il n’hésitait pas à le confier au magazine France Dimanche.

Lors de cette interview, Ringo apparaissait comme un homme comblé. Il avait tiré un trait sur son passé, ouvert une nouvelle vie, un nouveau restaurant. Sa plus grande fierté, disait-il alors, était le Jim McMahon’s.
« Oh oui ! Et vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureux, » s’enthousiasmait-il. « Le Jim McMahon’s, que nous avons ouvert depuis quelques mois, est un grand succès ! C’est plein tout le temps. Nous prévoyons d’en ouvrir d’autres partout en France, et bientôt, nous reviendrons à Paris. »
Mais, selon Ringo, le succès dans les affaires n’était qu’un détail. Il insistait :
« Ce qui compte le plus pour nous, ce n’est pas le business, c’est le bonheur que je partage avec Annick depuis vingt ans. Depuis le jour où nous nous sommes rencontrés, nous ne nous sommes jamais quittés, pas une seule seconde ! »

La femme qui lui avait « redonné foi en la vie et en l’amour », c’était Annick. Vingt ans de complicité — cinq fois plus que la durée de son mariage tumultueux avec Sheila. Et au sommet de ce bonheur, Ringo prononça une phrase qui, rétrospectivement, fait frémir :
« Il ne nous manque plus qu’un enfant pour que tout soit parfait. Si cela arrive, ce sera une joie immense... Mais s’il n’y en a pas, nous serons tout de même comblés. »
Un enfant de plus. Un bonheur parfait. À cette époque, Ringo semblait avoir effacé toute trace de sa « vie d’avant ». Quand on lui demanda s’il voyait là une « belle revanche » sur le passé, il répondit sans hésiter :
« Oui, bien sûr. Mais aujourd’hui, tout cela me fait sourire ! Le temps de la souffrance est révolu — et c’est grâce à Annick que je m’en suis sorti. Ma vie d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle que j’ai vécue avec Sheila. »
Quatre années auprès de Sheila, disait-il, avaient été « un enfer ». Il rejetait la faute sur son ex-femme:
« Elle tombait souvent dans des états dépressifs... Cela m’épuisait physiquement et mentalement. Et pour couronner le tout, elle était jalouse et provoquait sans cesse des disputes, des scandales à répétition. Tout cela, je l’ai oublié depuis longtemps. »

Et il conclut, impitoyable :
« Après tout, je n’ai vécu avec elle que quatre ans — quatre ans, ce n’est rien ! Je préfère penser à mes vingt années de bonheur avec Annick. Elle, c’est ma vie ! »
L’article de 2000 s’achevait sur une image radieuse : Ringo et Annick, amoureux et souriants, dans leur restaurant de Toulouse.Mais certains passés ne se laissent pas effacer. Certaines blessures ne cicatrisent jamais. Et, ironie du sort, à peine un an après ces déclarations triomphales, un drame allait tout balayer.
Était-ce le prix à payer pour avoir renié le passé, pour l’indifférence envers son ex-femme — et, plus tragiquement encore, envers son propre fils ?

Les quatre années que Ringo qualifiait d’« enfer » furent, en réalité, le cauchemar de Sheila. Cinquante ans plus tard, la chanteuse a révélé la vérité : leur mariage de 1973 n’était pas une histoire d’amour, mais une mise en scène orchestrée par leur producteur.Une « opération commerciale » gigantesque, une prison médiatique.
« J’étais désespérée, » confie Sheila. Ce jour-là, les mariés ne se sont même pas embrassés.
Ironie du sort : Ringo finira lui aussi par admettre que « ce mariage était entièrement artificiel ». « Il n’y avait pas d’amour, » reconnaissait-il. Il fut l’un des acteurs d’un simulacre qui a détruit Sheila — avant de la blâmer pour ses « crises de nerfs » et sa « jalousie ».
Mais la cruauté de Ringo atteignit son apogée lorsqu’il parla de sa famille. En 2000, alors qu’il se vantait de vingt ans de bonheur « sans se quitter une seconde » avec Annick, il prononça cette phrase qui fit scandale :
« Il ne nous manque plus qu’un enfant pour que tout soit parfait. »
Un enfant de plus ? Ringo semblait avoir effacé l’existence de Ludovic Chancel — son fils biologique, qu’il avait abandonné lorsque celui-ci n’avait que deux ans. Et cette indifférence ne s’arrêta pas là. Devenu adulte, Ludovic tenta de renouer avec son père. Ce dernier le repoussa brutalement :
« Qu’est-ce que tu fais là ? [...] Je ne suis même pas sûr que tu sois mon fils. »
Cette phrase, véritable coup de poignard, contribua à plonger Ludovic dans un gouffre de dépendances et d’autodestruction. En 2017, il est retrouvé mort à 42 ans, d’une overdose.
Tandis que Ringo rêvait d’un nouvel enfant pour « compléter son bonheur », le seul fils qu’il avait renié mourait dans la solitude et la douleur. La vie, cruellement, semblait lui tendre un miroir.
Revenons à 2000. Ringo triomphait. Il avait l’amour, le succès, et des projets d’expansion à travers la France. Il riait de son passé, le traitait de « rien du tout ».

Mais le 21 septembre 2001, le désastre frappe Toulouse. L’explosion de l’usine AZF — l’une des pires catastrophes industrielles de l’histoire française — ébranle toute la ville.
Le restaurant Jim McMahon’s, fierté de Ringo et symbole de sa « revanche sur la vie », en subit les conséquences. L’établissement ferme ses portes. Ses projets d’avenir, son retour à Paris, tout s’effondre. Ringo connaît alors de graves difficultés financières.
Et l’homme qui clamait son « bonheur absolu » disparaît des radars. Dès lors, Ringo se retire du monde médiatique. Il mène une existence discrète, presque recluse, avec Annick. Son commerce s’éteint.Le rêve d’un enfant ne se réalisera jamais. Et son seul fils, celui qu’il avait renié, meurt tragiquement. Difficile de ne pas s’interroger : cette chute brutale, survenue à peine un an après avoir publiquement méprisé son passé, n’était-elle pas une forme de châtiment ?
Ringo voulait effacer ces quatre années « d’enfer », mais ces quatre années lui avaient donné un fils. Il désirait un enfant pour « compléter sa vie », tout en détruisant le lien le plus sacré qui soit. Il se glorifiait de vingt années d’amour, mais sur des fondations bâties sur le déni et l’indifférence. La vie ne l’a pas autorisé à oublier. L’explosion d’AZF a détruit son empire. La mort de Ludovic a anéanti son héritage.


Pendant ce temps, Sheila — celle qu’il qualifiait de « dépressive » — est restée debout.Elle a survécu à ce mariage forcé, au divorce humiliant, à la perte de son fils unique, et même à la disparition de son second mari, Lionel Leroy. Et pourtant, elle continue d’avancer.
À 80 ans, Sheila chante encore.Elle célèbre 60 ans de carrière, en regardant son passé en face — sans haine, sans déni.
« Je suis debout, encore debout, et c’est ma plus belle victoire », déclare-t-elle.
Ringo, lui, a choisi le silence.Nul ne sait s’il est encore heureux avec Annick.Mais sa « belle revanche » s’est transformée en échec.Son rire de l’an 2000 résonne aujourd’hui comme l’écho ironique d’un destin implacable.
En cherchant à enterrer son passé, Ringo n’a fait qu’enterrer son propre avenir — dans l’oubli.



































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