Frankenstein de Guillermo del Toro captive et divise à la Mostra de Venise
- Émilien Charvoz

- 6 sept.
- 3 min de lecture
Depuis des années, Guillermo del Toro nourrit une fascination profonde pour Frankenstein. Dès son enfance, il avait découvert l’adaptation mythique de James Whale en 1931, puis s’était plongé dans le roman originel de Mary Shelley. Ce projet, longtemps resté à l’état de rêve, s’est finalement concrétisé sur les écrans de la Mostra de Venise. Le film, présenté comme l’un des plus attendus du festival, a immédiatement suscité un flot de réactions contrastées.

Pour de nombreux spectateurs, il s’agit d’une œuvre grandiose, visuellement éblouissante, fidèle à l’univers singulier de del Toro. D’autres, en revanche, lui reprochent une fidélité excessive au roman de 1816 et une abondance de détails qui finissent par alourdir le récit. Cette dualité a fait du long-métrage un véritable sujet de débat au sein de la presse internationale.
El País, quotidien espagnol, a salué un film "colossal", à la hauteur de l’obsession de son réalisateur. Mais le journal souligne aussi ses excès : trop long, trop explicatif, trop démonstratif. Une œuvre immense, certes, mais qui parfois perd de son intensité. Selon El País, malgré ces défauts, le film incarne une expérience rare dont les salles obscures ont cruellement besoin.
La Repubblica, de son côté, adopte une position plus sévère. Le quotidien italien regrette une adaptation trop rigide, comme figée dans le respect absolu du texte de Shelley. Pour ses critiques, del Toro a traité le roman comme une parole sacrée, oubliant de le réinventer avec l’audace contemporaine que le public attendait. Cette fidélité excessive aurait bridé la force dramatique et empêché le film d’atteindre toute sa dimension.

Le Guardian exprime un avis similaire. Pour le quotidien britannique, la beauté formelle du film ne fait aucun doute : la photographie, les décors, les maquillages et les effets visuels traduisent l’immense talent de del Toro. Pourtant, cet esthétisme exacerbé finit par étouffer l’énergie brute et l’élan horrifique qui font la force du mythe. Selon le critique, la vénération du cinéaste pour son matériau d’origine, si touchante soit-elle, bloque paradoxalement la vitalité du récit.
Face à ces critiques parfois sévères, d’autres voix préfèrent insister sur la sensibilité unique de Guillermo del Toro. La Stampa, en Italie, rappelle que nul autre réalisateur ne sait filmer les monstres avec autant d’empathie et de tendresse. Déjà avec La Forme de l’eau, Lion d’or en 2017 et Oscar du meilleur film, il avait démontré sa capacité à transformer des créatures marginales en symboles d’humanité. Avec Frankenstein, il poursuit ce chemin, interrogeant une fois encore notre rapport à la différence et à l’imperfection.
Lors de sa présentation à la presse, le cinéaste mexicain a insisté sur cette dimension philosophique. Pour lui, le véritable monstre n’est pas la créature de Victor Frankenstein, mais bien les hommes en costume, prêts à déshumaniser leurs semblables au nom d’intérêts vides de sens. Cette déclaration, en résonance avec notre époque, replace le film dans une perspective critique et universelle.
Visuellement, le film déploie toutes les signatures du réalisateur. Les couleurs sont travaillées comme des tableaux, les maquillages confèrent à la créature une présence troublante, les décors oscillent entre le gothique et le fantastique. L’atmosphère, à la fois envoûtante et sombre, enveloppe le spectateur dans un univers où la beauté côtoie sans cesse l’horreur.
Cependant, certains spectateurs estiment que cette profusion visuelle finit par saturer l’écran. Le récit, alourdi par de longues explications, perd en rythme et en intensité dramatique. Là où Mary Shelley suggérait, del Toro explicite. Là où le mystère ouvrait à l’imagination, le film préfère détailler, au risque de réduire l’impact émotionnel.
Malgré ces réserves, il est indéniable que Frankenstein constitue un événement cinématographique. Son ambition, sa générosité visuelle et son message humaniste en font une œuvre marquante, même imparfaite. Comme souvent chez del Toro, l’excès fait partie intégrante de sa démarche : trop d’images, trop de passion, trop d’amour pour ses créatures. Mais c’est peut-être ce débordement qui le distingue et qui touche son public fidèle.

Un autre élément notable est sa diffusion. Après son passage par Venise, le film sortira en salle mais sera surtout disponible sur Netflix dès novembre. Un choix qui interroge : une œuvre conçue pour le grand écran, avec une telle richesse visuelle, pourra-t-elle conserver toute sa puissance sur les écrans domestiques ? El País le regrette déjà, estimant que ce type d’expérience devrait avant tout se vivre dans l’obscurité d’une salle de cinéma.
Au-delà des critiques, la présentation du film à la Mostra confirme l’importance de Guillermo del Toro dans le paysage cinématographique mondial. Artiste obsédé par les monstres et les marges, il continue de bâtir une œuvre cohérente, où l’imaginaire sert de miroir aux angoisses contemporaines. Frankenstein s’i


































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