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Fuze : David Mackenzie électrise le TIFF 2025 avec un thriller londonien à haute tension

  • Photo du rédacteur: Théo Ruisseau
    Théo Ruisseau
  • 7 sept.
  • 4 min de lecture

Présenté en gala au Festival international du film de Toronto 2025, Fuze de David Mackenzie s’impose comme l’un des grands rendez-vous populaires de cette édition. Après Relay, dévoilé l’an dernier également à Toronto, le cinéaste écossais revient avec un film de genre nerveux, sec, dépourvu de gras, qui fusionne avec une insolence réjouissante deux registres a priori éloignés : le film de démineurs et le film de casse.


En 1h38 chrono, Mackenzie propose un pur exercice de tension cinématographique, qui se nourrit d’une intrigue millimétrée, de rebondissements en cascade et d’un casting qui semble prendre un plaisir contagieux à jouer cette partition explosive.



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L’ouverture de Fuze donne immédiatement le ton. Survolant le ciel londonien, la caméra se pose sur un chantier de Paddington Basin où des ouvriers découvrent une bombe de la Seconde Guerre mondiale, encore intacte. L’armée est appelée en urgence et la zone évacuée. Will Tranter (Aaron Taylor-Johnson), artificier aguerri et solitaire endurci, prend la tête des opérations.


Mais, pendant que l’attention des autorités se focalise sur l’engin dormant, une équipe de braqueurs s’introduit dans l’immeuble voisin, jouxtant une grande banque du quartier. Profitant de la coupure d’électricité, ils lancent un cambriolage de haute précision, armés de leur propre générateur et d’un plan soigneusement préparé. Très vite, deux intrigues parallèles se déroulent : d’un côté la désactivation d’un missile potentiellement destructeur, de l’autre un braquage digne des grands classiques du genre.


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C’est là que Mackenzie démontre son habileté. Fuze ressemble à une expérience ludique de montage parallèle : la tension d’un compte à rebours infernal se superpose au suspense d’un hold-up. Le spectateur a l’impression de regarder deux films en simultané, chacun alimentant l’autre.


La dynamique fonctionne grâce à la précision de la mise en scène. Mackenzie alterne plans serrés sur les câbles, les détonateurs et les gestes mesurés de Tranter, avec des séquences nerveuses où les braqueurs percent les murs, surveillent les rondes policières et gèrent les imprévus. Le scénario signé Ben Hopkins multiplie les fausses pistes et les renversements. Très vite, une question s’impose : les malfaiteurs savaient-ils qu’une bombe dormait sous leurs pieds ? Et si oui, comment ont-ils intégré ce paramètre dans leur plan ?


À la différence de nombreux thrillers purement anxiogènes, Fuze assume un humour noir qui désamorce la gravité. Les artificiers se souhaitent « Don’t be sh*t » au lieu de « bonne chance ». Les dialogues entre flics et ouvriers jouent sur le contraste entre banalité quotidienne et menace cataclysmique. Ce décalage donne au film une tonalité singulière, qui évoque parfois les comédies britanniques des années 1960, notamment The Jokers de Michael Winner, cité en filigrane.


Loin de nuire à la tension, cette ironie contribue au plaisir du spectateur, qui rit nerveusement tout en s’agrippant au siège.


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Aaron Taylor-Johnson trouve dans Will Tranter un rôle à la mesure de son intensité physique et de son charisme taciturne. À la fois chef respecté et électron libre, il incarne parfaitement le soldat hanté mais efficace, celui que l’on appelle quand tout peut exploser.


Face à lui, Theo James surprend en chef de gang méthodique et presque banal. Son interprétation dépourvue d’esbroufe renforce l’efficacité du personnage : c’est un leader calme, froid, convaincu de pouvoir maîtriser l’imprévisible. Gugu Mbatha-Raw, en policière soupçonneuse, apporte une énergie suspicieuse qui dynamise les scènes d’enquête. Sam Worthington, en braqueur nerveux, complète l’équipe avec une nervosité contagieuse. Même les seconds rôles trouvent leur place, chacun apportant un relief supplémentaire à ce jeu du chat et de la souris.


Depuis Comancheria (Hell or High Water), David Mackenzie s’impose comme un cinéaste capable de transcender les archétypes du polar et du western moderne. Avec Fuze, il s’amuse avec les codes du thriller d’action urbain, tout en respectant une logique implacable. Sa mise en scène, jamais gratuite, privilégie la lisibilité, même dans le chaos apparent. Chaque plan a une fonction : amplifier la tension, surprendre le spectateur ou révéler un détail clé.


Ce souci de clarté rend le film extrêmement accessible, presque « grand public », sans sacrifier l’intelligence de l’intrigue. Mackenzie parvient ainsi à concilier efficacité commerciale et sophistication narrative.



La première qualité de Fuze réside dans son rythme. En moins de 100 minutes, l’action ne faiblit jamais. Les rebondissements s’enchaînent avec fluidité, chaque séquence apportant une nouvelle complication. Le spectateur est constamment maintenu en alerte, guettant l’explosion annoncée ou la bourde fatale.


Deuxième atout : le mélange des genres. La fusion entre film de casse et film de démineur, qui aurait pu tourner à l’exercice artificiel, fonctionne étonnamment bien. Elle crée une double tension dramatique et renouvelle des schémas usés.

Enfin, le casting, impeccable, donne chair à cette mécanique. Sans jamais surjouer, les acteurs participent à la crédibilité d’une histoire pourtant rocambolesque.


Bien sûr, Fuze n’échappe pas à certaines invraisemblances. Les motivations des braqueurs paraissent parfois floues et les hasards du scénario trop parfaits pour être crédibles. Mais l’énergie du film compense largement ces faiblesses. Le spectateur est invité à « jouer le jeu », à accepter le caractère exagéré de l’intrigue.


Certains regretteront peut-être l’absence de dimension psychologique plus profonde : Mackenzie préfère l’efficacité du récit à l’exploration intime des personnages. Mais ce choix, assumé, correspond à l’ambition du film : un pur divertissement tendu, conçu pour plaire au plus grand nombre.


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Fuze n’est pas un manifeste, ni une fresque sociale. C’est un thriller haletant, porté par une mise en scène précise et un scénario malin. Sa réussite tient à sa capacité à divertir sans céder à la facilité : humour, suspense, explosions et twists se conjuguent pour offrir une expérience réjouissante.


Au TIFF 2025, le film a été accueilli avec enthousiasme, confirmant Mackenzie comme un maître contemporain du thriller populaire intelligent. S’il trouve rapidement un distributeur, nul doute que Fuze séduira un large public, avide de sensations fortes mais aussi d’un récit qui sait surprendre.

 
 
 

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