"Je ne peux plus rester debout" : à 82 ans, Serge Lama se confie avec pudeur sur un corps meurtri mais un cœur encore vibrant
- Pierre Howard

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À 82 ans, Serge Lama regarde son parcours avec une lucidité désarmante, mêlée d’une profonde gratitude. Dans un entretien accordé à La Tribune dimanche et publié le 14 décembre, l’artiste aux chansons intemporelles évoque sans détour son état de santé fragile. Il le dit simplement, sans dramatisation inutile, mais avec une sincérité qui touche droit au cœur : son corps est aujourd’hui "cassé de partout". Pourtant, derrière cette réalité physique difficile, demeure une force intérieure intacte, nourrie par l’amour et par le sentiment d’avoir, enfin, trouvé une forme de paix.
Pour comprendre l’homme qu’est devenu Serge Lama, il faut remonter à une date qui a bouleversé à jamais sa vie : le 12 août 1965. Ce jour-là, alors qu’il n’est encore qu’un jeune artiste plein d’espoirs, il est victime d’un terrible accident de voiture. À bord d’une Peugeot 404 conduite par Jean-Claude Ghrenassia, le frère d’Enrico Macias, le véhicule quitte la route à la sortie d’Aix-en-Provence et percute violemment plusieurs platanes. Le choc est fatal pour le conducteur, mais aussi pour Liliane Benelli, la pianiste et fiancée de Serge Lama. En quelques secondes, le chanteur perd l’amour de sa vie et frôle lui-même la mort.

Grièvement blessé, Serge Lama passe près d’un an à l’hôpital. Il subit une dizaine d’opérations, endure de longues périodes de douleur et d’incertitude. Son avenir artistique est alors suspendu à un fil. Dans les pages de La Tribune dimanche, il se remémore cette période charnière avec émotion. Il raconte comment cet accident a profondément transformé l’homme qu’il était. "Il y a eu le Serge timide, mal dans sa peau, puis le Serge habité par une rage d’être le premier. J’étais devenu arrogant, presque insupportable, mais j’avais besoin de le clamer pour y croire", confie-t-il, comme pour mettre des mots sur cette reconstruction intérieure forcée par le drame.
Le chanteur n’oublie pas non plus celui qui a, sans le savoir, sauvé sa carrière. Marcel Amont, ami fidèle, intervient auprès des médecins alors que Serge Lama est plongé dans le coma. "J’aurais pu ne jamais rechanter si mon ami Marcel Amont n’avait pas crié aux médecins : 'Attention, c’est un chanteur !'", raconte-t-il. Grâce à cette intervention, les médecins renoncent à une trachéotomie qui aurait pu mettre fin à sa voix. Un détail médical, un cri d’alerte, et toute une carrière sauvée.
Près de soixante ans plus tard, les séquelles de cet accident sont toujours là. Le temps n’a pas effacé les blessures, il les a parfois même accentuées. Serge Lama le reconnaît sans détour : "Mon corps est cassé de partout, je ne peux plus rester debout". Ces mots, prononcés sans plainte, traduisent une réalité quotidienne difficile, faite de douleurs et de limitations. Mais ils sont aussitôt tempérés par une autre vérité, bien plus lumineuse. "Mon cœur bat depuis plus de vingt ans pour Luana, une femme merveilleuse de trente-cinq ans ma cadette", ajoute-t-il avec tendresse.

C’est dans cette relation que Serge Lama puise aujourd’hui une grande partie de sa force. À ses côtés, il se sent soutenu, aimé, compris. Lui qui a tant lutté, tant perdu, semble avoir trouvé un équilibre tardif mais précieux. L’artiste revient aussi sur les nombreux combats qui ont jalonné sa vie. "Ma vie n’a été qu’une suite de combats : la perte de mon grand amour, l’hostilité du métier, des claques, des bides…", confie-t-il. Il se souvient d’un milieu artistique parfois cruel, où il s’est souvent senti à part. On critiquait son physique, sa manière de s’habiller, son origine sociale. "J’étais un ancien pauvre, et ça dérangeait", dit-il simplement.
Malgré tout, Serge Lama n’exprime ni amertume ni regret. Au contraire, il se dit chanceux. Chanceux d’être encore là, d’avoir traversé les épreuves, d’avoir continué à chanter malgré les doutes et les blessures. À 82 ans, il regarde son présent avec un étonnement presque enfantin. "J’ai de la chance car on ne m’a pas oublié. À 82 ans, j’ai enfin tout ce dont je rêvais à 40 ans", conclut-il.
Ces mots résonnent comme un bilan apaisé, celui d’un homme qui a longtemps couru après la reconnaissance et qui, aujourd’hui, savoure ce qu’il a : l’amour, le respect du public et la conscience d’avoir laissé une trace. Même affaibli physiquement, Serge Lama demeure debout intérieurement, porté par une vie dense, douloureuse parfois, mais profondément humaine.

















































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