top of page
Thủ công giấy

Louis de Funès a autrefois vécu au château de Clermont, estimé à 300 millions d’euros. Plus de quarante ans après sa disparition, quel est aujourd’hui le destin de cette demeure légendaire ?

  • Photo du rédacteur: Pierre Howard
    Pierre Howard
  • 8 nov.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 nov.

Nichée sur les hauteurs verdoyantes du Cellier, en Loire-Atlantique, à une quinzaine de kilomètres d’Orée-d’Anjou, la silhouette du château de Clermont se dresse fièrement au-dessus de la Loire. Derrière ses murs de briques rouges et de pierres blanches, derrière ses hautes toitures d’ardoise bleue, se cache un lieu où l’histoire et la mémoire du cinéma français se rencontrent.


Car avant d’être connu comme le refuge de Louis de Funès, ce joyau du XVIIᵉ siècle a traversé les époques, les guerres, les révolutions et les amours – jusqu’à devenir un symbole de patrimoine vivant que les habitants du Cellier se battent encore pour préserver.


ree


L’actuelle demeure fut construite entre 1642 et 1649 à l’initiative de René Chenu, gouverneur et gentilhomme du très puissant Louis II de Bourbon-Condé. L’identité de l’architecte reste mystérieuse, mais de fortes présomptions laissent penser à Charles II Errard, l’un des grands maîtres du classicisme français. Le résultat, lui, ne laisse aucune place au doute : une bâtisse d’une élégance rare, aux proportions majestueuses, entourée d’un vaste parc boisé plongeant vers la Loire.


Les deux ailes latérales servaient autrefois d’écuries et de logements de service, tandis que le corps central abritait les cuisines et une chapelle intime. Tout ici respirait la rigueur et la splendeur du XVIIᵉ siècle, ce mélange d’ordre et de grâce qui faisait la signature architecturale de la France de Louis XIII et de Mazarin.


Et justement, Louis XIV devait s’y arrêter. En 1661, le jeune roi planifiait une halte à Clermont lors d’un voyage en Bretagne. Une grande réception fut organisée pour l’accueillir, les cuisines s’activèrent, les salons furent fleuris… mais le roi ne vint jamais. Le monarque dut écourter sa route et se rendre directement à Nantes pour y faire arrêter son surintendant Nicolas Fouquet. L’histoire retiendra que Louis XIV “posa un lapin” à Clermont.


ree


Après ce faux rendez-vous royal, le château continua de changer de mains. En 1772, il fut racheté par la famille des barons Juchault des Jamonières, qui en resta propriétaire jusqu’en 1842. Pendant la Révolution française, les troupes républicaines réquisitionnèrent les lieux pour contrôler la Loire et éviter que les Vendéens ne franchissent la rivière.


Quelques décennies plus tard, le site inspira un grand nom de la peinture : William Turner. En 1828, le peintre romantique anglais représenta le château comme une forteresse dominant la Loire, dans une atmosphère brumeuse rappelant les burgs allemands du Rhin. Cette vision poétique allait renforcer le caractère presque mystique du lieu.


Le destin de Clermont se lia ensuite à celui d’une autre grande figure de la culture française : Guy de Maupassant. Sa famille acheta le château et en resta propriétaire jusqu’en 1941. Les spécialistes débattent encore de savoir si l’écrivain y séjourna réellement, mais tout indique que la propriété fut un lieu de villégiature fréquenté par ses proches.


Charles Nau de Maupassant, dernier héritier de la lignée, finit par léguer le domaine à Jeanne Barthélemy, une parente éloignée – qui allait devenir, par un curieux hasard du destin, la future épouse de Louis de Funès. Jeanne passait déjà ses vacances d’enfant dans les allées du parc, bien avant d’y revenir avec celui qui deviendrait le monstre sacré du cinéma comique français.


En 1967, Louis de Funès, au sommet de sa gloire, rachète le château de Clermont. Avec Jeanne, sa seconde épouse, il y trouve un refuge discret, loin du tumulte parisien et des plateaux de tournage. Pendant seize ans, jusqu’à sa mort en 1983, il y vécut une vie simple, rythmée par les promenades, la lecture et le jardinage.


“Louis de Funès aimait profondément la nature,” se souvient Marylène Poul, membre de l’association Sur les traces de Louis de Funès. “Il se promenait dans ses bois, descendait jusqu’à la Loire par des sentiers escarpés. Il connaissait chaque arbre, chaque oiseau.”



Acteur perfectionniste à la ville, il se révélait jardinier contemplatif à la campagne. Ses promenades solitaires étaient pour lui un moment de paix, presque de méditation. “Au début de sa relation avec Jeanne, il empruntait d’ailleurs ce même sentier pour la rejoindre en secret au château,” raconte encore Marylène Poul. “C’était leur passage secret, leur histoire à eux.”


Loin du personnage tonitruant du cinéma, Louis de Funès menait ici une existence silencieuse, presque monacale. Le château de Clermont devint son havre de paix, un monde clos où il pouvait redevenir simplement “Louis”, sans caméra ni applaudissements.


Avant de devenir l’une des figures les plus aimées du cinéma français, Louis de Funès a connu une existence bien plus modeste, parfois même difficile. Pendant la guerre et les années qui ont suivi, il n’était pas encore une star, mais un homme qui cumulait les petits métiers pour survivre. Parmi eux, celui de pianiste de bar — il jouait le soir dans les cabarets enfumés, au milieu des conversations et des verres qui s’entrechoquaient. La musique fut alors son refuge, un moyen de garder espoir, mais aussi l’endroit où il forgea cette sensibilité et cette vivacité d’esprit qui deviendront, plus tard, sa marque de fabrique.


La vie, à cette époque, n’était pas tendre. Sa famille traversait souvent des périodes de grande précarité, au point que Louis plaisantait amèrement : « Chez moi, la fin du mois commence le cinq ». Une phrase à la fois drôle et poignante, qui traduisait la réalité d’un quotidien serré où chaque sou comptait. Mais ces années de lutte lui ont appris la rigueur, l’observation, et surtout l’art de comprendre les gens simples — ceux qu’il incarnerait plus tard à l’écran avec une justesse désarmante.


Quand la gloire est enfin arrivée, Louis de Funès n’a jamais perdu ce sens de la simplicité. Il restait un homme discret, presque réservé, bien loin du monde tapageur du show-business. Perfectionniste, il exigeait le meilleur de lui-même et des autres, tournait chaque scène jusqu’à la perfection, mais dans la vie de tous les jours, il se contentait de peu. Pas d’extravagance ni de luxe ostentatoire : il préférait le silence des livres, la compagnie des arbres et la paix des longues promenades. Pour lui, le vrai succès n’était pas la célébrité ni la fortune, mais la liberté d’être soi-même sans se trahir.


Le piano de Louis de Funès est à vendre pour 500 euros
Le piano de Louis de Funès est à vendre pour 500 euros

Dans l’ombre de ce succès, sa famille jouait un rôle essentiel. Jeanne de Maupassant, son épouse – descendante du célèbre écrivain Guy de Maupassant – fut bien plus qu’une compagne. Elle était sa conseillère, sa confidente, parfois même son agente. C’est elle qui lisait les scénarios, gérait les contrats et veillait à son bien-être. Sans Jeanne, la carrière de


Louis n’aurait sans doute pas eu cette cohérence ni cette longévité. Mais, comme dans toutes les familles, tout n’était pas parfait : la relation entre Louis et son fils Daniel fut complexe, parfois tendue. Après sa mort en 1983, la question de l’héritage raviva d’anciennes blessures, rappelant que derrière le génie comique se cachait aussi un homme avec ses failles et ses contradictions.


Et pourtant, en regardant l’ensemble de son parcours, on ne peut qu’admirer la cohérence de sa trajectoire : celle d’un artiste parti de rien, devenu l’un des acteurs les plus populaires de France, avant de se retirer pour goûter à la paix intérieure. Sa vie ressemble à une mélodie : tour à tour vive, douce, émouvante — mais toujours sincère. Et c’est sans doute cette sincérité, mêlée à son humanité, qui fait de Louis de Funès non seulement une légende du cinéma, mais aussi un symbole de la simplicité, du travail acharné et de la sagesse tranquille.


À la mort du comédien, en janvier 1983, le château fut vendu à une association psychiatrique. Vingt ans plus tard, en 2005, un investisseur immobilier le racheta et transforma la demeure principale en appartements de standing, occupés depuis 2009.


Mais le grand parc de quarante hectares, avec ses prairies, ses sous-bois et sa vue plongeante sur la Loire, resta longtemps ouvert aux promeneurs. Les habitants du Cellier s’y rendaient le week-end, les enfants y faisaient du vélo, les naturalistes y observaient les oiseaux migrateurs. Ce contact libre avec la nature faisait partie de l’âme du lieu.

Jusqu’à ce qu’une annonce vienne tout bouleverser.


ree

Il y a deux ans, la mise en vente du parc provoqua un véritable séisme local. Le terrain, proposé à 240.000 euros, risquait de tomber entre les mains d’un particulier. “Il y avait une intention de construction de maison avec piscine,” confie Marylène Poul. “Autant dire que cela a fait bondir tout le monde.”


Rapidement, l’association Sur les traces de Louis de Funès lança une pétition pour demander à la mairie du Cellier d’exercer son droit de préemption. Mais la municipalité, bien que sensible à la cause, dut renoncer. “Acheter le parc, ce n’était pas un problème d’investissement, mais un problème de fonctionnement,” explique le maire, Philippe Morel.


“Entretenir quarante hectares, sécuriser les falaises, installer des balustrades pour éviter les chutes… pour une petite commune comme la nôtre, c’était impossible.”

Le risque était donc grand que le domaine, jadis ouvert à tous, soit clôturé, privatisé, et que la mémoire de Louis de Funès s’y éteigne lentement.


C’est alors qu’un acteur inattendu vint sauver la situation : la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural). En vertu de son droit de préemption, elle décida d’acquérir le parc pour des raisons à la fois agricoles et environnementales.



Le domaine fut ainsi divisé : quinze hectares de terres agricoles et vingt-cinq hectares de forêt classée Natura 2000. “Nous allons lancer un appel public à candidatures,” annonça Rémy Silve, directeur de la Safer Maine Océan. “Notre objectif n’est pas de garder le bien, mais de le confier à un ou plusieurs repreneurs qui respecteront un cahier des charges strict : usage agricole durable, préservation écologique, et ouverture raisonnée au public.”



ree

Parmi les candidats à la reprise, un nom prestigieux s’est rapidement imposé : le WWF, le Fonds mondial pour la nature. L’organisation, en partenariat avec le Conservatoire des espaces naturels des Pays de la Loire, souhaite transformer le domaine en un site pilote de gestion écologique.


“Nous allons mettre en place un plan de gestion global,” explique Guy Boules, vice-président du Conservatoire. “Il y aura probablement une activité agricole biologique, des baux à clauses environnementales, et surtout un travail de restauration des prairies et des bois. Ce site a des caractéristiques uniques qu’il faut préserver.”


L’acquisition devrait être finalisée prochainement. Si tout se déroule comme prévu, les décisions sur l’avenir du parc seront prises avant l’été. Et Clermont pourrait ainsi redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un espace de vie, d’histoire et de nature partagée.


ree

Plus de quatre siècles après sa construction, le château de Clermont continue d’incarner un idéal français : celui d’un équilibre fragile entre culture, nature et mémoire. Il fut tour à tour demeure aristocratique, refuge d’écrivains, havre d’un comédien légendaire, et aujourd’hui symbole de la défense du patrimoine commun.


Les habitants du Cellier le savent : protéger Clermont, c’est préserver un pan de leur histoire, mais aussi un peu du rire et de la tendresse de Louis de Funès. Car dans chaque recoin du parc, dans chaque pierre usée du château, semble encore résonner l’écho discret de sa voix, le pas léger de ses promenades, et ce regard malicieux qui savait, mieux que quiconque, capter la beauté simple de la vie.

 
 
 

Commentaires

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
bottom of page