Élie Kakou : 26 ans après, l’homme derrière les fous rires – un génie tendre, secret et bouleversant
- Pierre Howard

- 16 nov.
- 4 min de lecture
26 ans se sont écoulés depuis la disparition d’Élie Kakou, et pourtant, il suffit d’entendre quelques secondes de Mme Sarfati, de revoir son sourire malicieux ou d’apercevoir son regard timide derrière les lunettes rondes… pour que toute une époque revive. Celle d’un humoriste pas comme les autres : un comédien qui ne cherchait pas seulement à faire rire, mais à apaiser, à rassembler, à consoler aussi. Un homme qui portait la douceur comme une armure et la gentillesse comme une identité.
À travers les témoignages de Gad Elmaleh, Patrick Niedo, de sa sœur Brigitte, de ses collègues, techniciens et amis, une vérité s’impose : Élie Kakou n’était pas simplement un humoriste adoré. Il était un être lumineux, exigeant, sensible, profondément généreux. Et derrière les masques colorés de ses personnages, il cachait un combat secret, une vulnérabilité dont il n’a jamais voulu accabler le public.

Dans les années 90, la France découvre un artiste qui ne ressemble à aucun autre. Sur scène, Élie arrivait déjà en personnage, comme s’il vivait dans plusieurs vies à la fois. Mme Sarfati, doublée d’ironie et de tendresse, reste encore aujourd’hui une figure incontournable de l’humour français. Ses répliques — « Elle est belle ma fille, 1,20 m de haut pour 1,20 m de large ! » — sont devenues cultes. Les salles riaient avant même qu’il ne parle. Comme le raconte Gad Elmaleh :
« Élie avait un don exceptionnel : celui de déclencher le rire instantanément. Avant même que son spectacle ne commence, il nous avait déjà conquis. »
Mais derrière cette explosion d’énergie se cachait un homme délicat, presque fragile, qui observait tout, ressentait tout, et transformait ses propres failles en poésie comique.
Patrick Niedo, son assistant de l’époque, parle d’un artiste « d’une gentillesse rare ». Sur scène, Élie exigeait la précision absolue. Hors scène, il traitait le dernier technicien comme une star internationale. Il s’excusait lorsqu’il pensait déranger. Il offrait, sans raison particulière, des figurines en pâte à modeler qu’il fabriquait lui-même — un talent que peu de gens connaissent encore aujourd’hui.
Dans les loges, il n’y avait jamais d’agressivité, jamais d’expression de pouvoir. On l’aimait parce qu’il ne jouait pas au génie : il en était un, naturellement. Et pourtant, ce génie portait un secret immense.

Élie Kakou savait qu’il était gravement malade. Le virus du sida, puis un cancer du poumon. Deux combats qu’il a portés seul, dans l’ombre, pour ne pas effrayer sa mère ni attrister son public. Sa sœur Brigitte se souvient :
« On protégeait toujours maman. Elle était cardiaque… et ma sœur venait de perdre sa fille d’une leucémie. Élie refusait d’ajouter une douleur de plus. »
Quand ses cheveux tombent à cause du traitement, il plaisante :
« Je fais comme Barthez, c’est la mode ! »
Même la maladie devenait humour. Même la souffrance devenait protection. Jusqu’au bout, il a fait ce cadeau-là aux autres.
Il annonce sa maladie à sa mère seulement une semaine avant sa mort, comme un dernier geste d’amour pour la préserver encore un peu.
Le 10 juin 1999, à seulement 39 ans, Élie Kakou s’éteint à Paris.Le pays découvre la vérité avec stupeur. Ses amis tombent des nues. Le public, lui, perd une étoile.
Ironie du destin, deux mois après sa disparition, son dernier film, Monsieur Naphtali, sort au cinéma. Thomas Gilou lui dédiera la suite de La Vérité si je mens !, bouleversé par la perte de celui qu’il considérait comme une pépite rare. Il était au sommet, et tout s’arrête. Mais sa lumière, elle, continue.
Même ceux qui ne l’ont jamais rencontré — Redouane Bougheraba, Camille Lellouche, Kev Adams — citent Élie comme une influence majeure. Il est ce fil invisible qui relie plusieurs générations d’humoristes : une manière de jouer avec les accents, les destins, les caricatures… mais toujours avec respect, avec amour, jamais pour blesser.

En 2019, un spectacle-hommage réunit Gad Elmaleh, Michel Drucker, Chantal Ladesou, Patrick Bruel et bien d’autres.À Marseille, une plaque commémorative lui est dédiée.Gad Elmaleh prépare un espace à son nom dans son comedy club.En janvier prochain, Mme Sarfati reviendra sur scène pour un spectacle inédit, basé sur les 35 minutes laissées inachevées par Élie, complétées grâce à la voix de sa sœur Brigitte. C’est dire la force d’un héritage.
Brigitte, qui avait à peine un an d’écart avec Élie, raconte leur enfance comme un duo inséparable.Ils perdent leur père très jeunes.Ils se construisent ensemble.Ils rêvent ensemble.
Lorsque la maladie emporte son frère, Brigitte s’effondre mais transforme sa peine en action :
elle crée l’association Les Enfants d’Élie en 2001 pour aider les enfants malades ;
elle écrit le livre Élie, mon frère, dont les bénéfices sont reversés à cette même cause.
C’était le rêve d’Élie : aider les enfants.C’est devenu celui de sa famille.

Parce qu’il incarnait une forme de délicatesse qui manque cruellement aujourd’hui.Parce qu’il était drôle sans être méchant. Parce qu’il était brillant sans se croire supérieur.Parce qu’il cachait ses douleurs pour protéger les autres. Parce qu’il transformait chaque spectacle en refuge, chaque rire en tendresse, chaque silence en émotion.
Gad Elmaleh le résume mieux que quiconque :
« Élie, c’était une grande âme. Une simplicité rare. Un homme qui n’a jamais cessé de faire rire, tout en restant un modèle de gentillesse. »
Et peut-être est-ce pour cela que, 25 ans plus tard, son absence fait toujours un peu mal… mais son souvenir, lui, continue de réchauffer les cœurs.

















































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