Comment le loup de la publicité d'Intermarché a conquis le monde Le film publicitaire conçu pour les fêtes par le distributeur a séduit toute la planète en seulement quelques jours.
- Auriane Laurent
- il y a 4 jours
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C’est parfois une histoire simple, racontée avec douceur et sincérité, qui parvient à toucher le plus grand nombre. Pour les fêtes de fin d’année, Intermarché a fait ce pari audacieux avec un film publicitaire de 2 minutes et 33 secondes, devenu en quelques jours un phénomène mondial. Diffusé pour la première fois le 5 décembre lors de l’élection de Miss France sur TF1, ce conte de Noël n’a pas seulement marqué les esprits en France : il a voyagé à travers les continents, suscitant une émotion rare et largement partagée.
Le film s’ouvre sur une atmosphère familière. Une table de réveillon, un petit garçon qui s’ennuie parmi les adultes, puis un glissement progressif vers un univers animé peuplé d’animaux. Écureuils, hérisson, lapins, moutons… et surtout un loup. Un loup solitaire, mis à l’écart parce qu’il est carnivore et donc redouté par les autres habitants de la forêt. Portée par la chanson "Le Mal Aimé" de Claude François, sortie en 1974, l’histoire se transforme peu à peu en une fable contemporaine sur le rejet, le désir d’être accepté et la capacité à changer pour créer du lien.

Très vite après sa diffusion, la magie opère. En quelques heures seulement, la vidéo commence à circuler massivement sur les réseaux sociaux. Les partages s’enchaînent, les commentaires affluent, les réactions émotionnelles se multiplient. La viralité est immédiate, l’engouement dépasse toutes les attentes. Pour Intermarché, dont la précédente grande campagne de Noël remontait à 2020, le succès est spectaculaire.
Ce film est le fruit du travail de l’agence Romance, cofondée il y a une dizaine d’années par Christophe Lichtenstein et Alexandre Hervé, tous deux passés par le groupe publicitaire DDB, aux côtés du concepteur-rédacteur Victor Chevalier. Ensemble, ils ont imaginé cette fable du grand méchant loup revisité, devenu un personnage sensible et attachant. Un loup qui décide de se tourner vers une cuisine à base de fruits et légumes, avec un peu de poisson, pour préparer une quiche et tenter de trouver sa place lors d’un dîner de Noël partagé. Un geste simple, presque naïf, mais profondément symbolique.
L’enthousiasme suscité par le film tient aussi à un autre élément majeur : sa fabrication. Entièrement conçu en France et sans recours à l’intelligence artificielle, le projet a été confié à un studio montpelliérain, Illogic Studios. Un choix fort à l’heure où de nombreuses grandes marques internationales misent sur des technologies automatisées pour produire leurs campagnes. Ici, tout repose sur le travail humain, patient et minutieux.

La partie animation à elle seule a mobilisé entre "60 et 70 artistes pendant six mois, qui ont travaillé à la main", comme l’explique Théophile Dufresne, cofondateur du studio. Un investissement considérable, porté par la volonté de créer une œuvre sincère et expressive. Cette réussite s’inscrit d’ailleurs dans un contexte particulièrement favorable à la créativité française. Quelques jours après la diffusion du film Intermarché, un autre studio montpelliérain, Sandfall Interactive, remportait à Los Angeles le trophée du "Jeu vidéo de l’année" pour "Clair Obscur Expedition 33", une première historique pour une production française dans ce secteur.
Les chiffres du film donnent le vertige. Selon Christophe Lichtenstein, on parle de "plus de 500 millions de contacts", un indicateur particulièrement recherché par les professionnels de la communication, car il englobe l’ensemble des échanges, des reprises et des discussions sur les réseaux sociaux. En parallèle, le nombre de vues dépasse les 600 millions, confirmant l’ampleur planétaire du phénomène.
Un élément a joué un rôle clé dans cette diffusion internationale : la traduction spontanée en anglais réalisée par un internaute. Grâce à cette initiative, le loup flexitarien a traversé les océans et conquis le public anglo-saxon. "On a un peu perdu le contrôle de la situation", reconnaît avec amusement Christophe Lichtenstein. Dans le même temps, la chanson "Le Mal Aimé" connaît un regain d’intérêt spectaculaire, avec une hausse de plus de 400 % des écoutes sur les plateformes de streaming en une semaine.
Pour Thierry Cotillard, président du groupement Les Mousquetaires, auquel appartient Intermarché, le message du film dépasse largement la question de l’alimentation. Il y voit avant tout une invitation au rassemblement et au vivre-ensemble, en cohérence avec un engagement sociétal assumé. Une lecture partagée par les créateurs du film. "C’est un message non mercantile, destiné à créer un lien émotionnel, aux antipodes des fractures du pays", analyse Christophe Lichtenstein.
Dans un contexte où certaines grandes marques internationales ont été critiquées pour leurs publicités de fêtes fortement appuyées sur l’intelligence artificielle, le succès du film Intermarché apparaît d’autant plus éclatant. Il rappelle qu’une histoire bien racontée, portée par des valeurs universelles et un vrai savoir-faire artistique, peut encore émouvoir profondément.
Face à l’enthousiasme du public, une demande revient avec insistance : celle de voir le loup aux yeux jaunes décliné en peluche. Une requête formulée par des millions de fans, jusqu’à des pilotes de chasse de la Marine nationale. Une idée qui n’est pas restée lettre morte. "On y travaille", promet Thierry Cotillard, preuve que ce loup n’a pas fini de faire parler de lui.


























