top of page

Vingt-quatre ans après la mort de Gilbert Bécaud, sa fille se bat contre le silence des médias et refuse que la mémoire de son père s’éteigne

  • Photo du rédacteur: Auriane Laurent
    Auriane Laurent
  • il y a 3 heures
  • 5 min de lecture

Ce vendredi 24 octobre 2025 aurait pu être un jour de célébration. Gilbert Bécaud, « Monsieur 100.000 volts », aurait soufflé ses 98 bougies. Mais derrière ce nom qui fit battre le cœur de la chanson française, c’est le silence qui règne. Pas de grandes émissions spéciales, pas de rétrospectives radiophoniques, pas même une note de Nathalie ou de Et maintenant sur les ondes. Et ce mutisme médiatique, la fille du chanteur, Emily Bécaud, ne le supporte plus.


Vingt-quatre ans après la disparition de son père, le 18 décembre 2001, l’émotion reste intacte, mais l’injustice aussi. Dans une interview accordée à Purepeople, Emily a poussé un

véritable coup de gueule contre les radios et les médias français.


ree

Sa voix tremble de colère et de tristesse : « Je veux qu’on m’explique. Je ne mords pas, je suis sympa, j’ai juste besoin d’une vraie réponse. Partout on me dit : "Oui, oui, Bécaud, on le passe". Mais pas du tout ! Quand je roule en voiture, je ne l’entends jamais. On passe du Aznavour, du Brel, du Brassens, tant mieux pour eux, mais pourquoi pas Bécaud ? »


Emily ne cache pas son incompréhension. Comment un artiste de cette envergure, l’un des premiers Français véritablement connus dans le monde entier, peut-il être ainsi effacé de la mémoire collective ? « Elvis et Sinatra ont chanté ses titres. Et malgré ça, silence radio », s’indigne-t-elle. Derrière ces mots, ce n’est pas seulement une fille en colère que l’on devine, mais aussi une gardienne d’héritage blessée.


Car pour Emily, l’œuvre de son père n’a pas pris une ride. Elle continue de vivre, de vibrer, d’émouvoir. « À la base, ce cri du cœur, ce sont les fans de Bécaud qui le poussent et qui me demandent pourquoi on ne l’entend pas », raconte-t-elle. Et c’est vrai : combien de générations ont fredonné Je reviens te chercher sans même savoir qu’elle est de lui ? Combien de couples se sont aimés sur Et maintenant ou L’important, c’est la rose ?


Seule France 3 trouve grâce à ses yeux. « C’est la seule chaîne qui se souvient encore de lui, qui diffuse encore ses images, qui rend hommage à son parcours », souligne-t-elle avec reconnaissance. Mais pour le reste, c’est le néant. Le désintérêt. L’oubli.


ree


Et pourtant, que de chefs-d’œuvre dans la carrière de Gilbert Bécaud ! Né en 1927 à Toulon, pianiste précoce, compositeur surdoué, il a fait chanter le monde entier. Son titre Je t’appartiens a été adapté sous le nom Let It Be Me et repris par des légendes comme Elvis Presley, Bob Dylan, Nina Simone ou encore The Everly Brothers. Et maintenant est devenu What Now My Love, un classique planétaire.


De Moscou à Tokyo, de Montréal à New York, Bécaud a parcouru la planète avec son éternel nœud papillon et son piano comme complice. Il incarnait cette France vibrante, audacieuse, qui osait chanter l’amour, la tendresse, la mélancolie. Sur scène, il ne tenait pas en place : on l’appelait « Monsieur 100.000 volts » pour cette énergie folle, ce feu intérieur qu’il transmettait à son public.


Mais le temps, cruel, a passé. Et avec lui, les ondes ont changé de rythme. Les playlists se sont resserrées, la radio s’est standardisée, les voix d’hier se sont effacées. « On parle de patrimoine musical, mais on n’en prend pas soin », regrette Emily, lucide.


ree

La fille du chanteur a décidé de ne pas se taire. Pour elle, la mémoire de son père mérite mieux qu’un silence poli. Elle veut des explications, une prise de conscience, une reconnaissance. Et surtout, elle veut que la musique reprenne sa place dans les cœurs et sur les ondes.


« Je ne suis pas fâchée contre les gens des chaînes, je suis fâchée contre l’absence de réponse », insiste-t-elle. Derrière cette phrase, il y a toute une philosophie : celle de la transmission. Emily n’est pas seulement la fille d’un grand homme ; elle est aussi une artiste à part entière, chanteuse elle-même, et porteuse d’un nom qui pèse lourd. « J’ai l’impression qu’on me prend pour une idiote », dit-elle, presque résignée. Mais la lassitude n’efface pas la détermination.


ree

Et comme si le silence autour de l’œuvre de son père ne suffisait pas, la vie a frappé encore plus durement Emily Bécaud. En septembre 2019, un drame terrible a frappé la famille : la mort tragique de sa sœur, Anne Bécaud.


Le 3 septembre, un incendie dévastateur s’était déclaré dans une maison de Saint-Pierre-de-Maillé, dans la Vienne. Sur place, les forces de l’ordre avaient retrouvé un corps calciné. Pendant plusieurs semaines, le doute a plané, insoutenable. Ce n’est que le 7 octobre que les analyses ADN ont confirmé la terrible nouvelle : la victime était bien Anne Bécaud, la fille de Gilbert Bécaud.


Sur Facebook, Emily avait alors publié un message sobre et poignant : « Un mois après la tragédie qui a frappé notre famille, il ne fait plus aucun doute que ma sœur Anne a péri dans l’incendie de sa maison. » Puis elle avait ajouté, désemparée : « Nous ne savons rien des causes de son décès, crime ou accident. »


Malgré la douleur, Emily n’a jamais sombré. Elle a fait ce que son père aurait fait : remonter sur scène. « J’ai pris la décision d’aller au bout de mes engagements car papa aurait fait ainsi », confiait-elle. Quelques jours après l’annonce du décès de sa sœur, elle reprenait déjà le chemin des répétitions, pour offrir son spectacle à Chauvigny, le 23 octobre.


« J’ai besoin de votre soutien, de vos encouragements, de votre amour. Je vous aime », écrivait-elle alors à ses fans. Dans ces mots, on retrouvait la force tranquille des Bécaud, cette fidélité à l’art, même dans la tempête.

ree

Aujourd’hui encore, Emily poursuit son combat pour que la mémoire de son père ne s’éteigne pas. Elle multiplie les interventions, les projets, les concerts hommage. Parce qu’au fond, défendre l’œuvre de Gilbert Bécaud, c’est aussi continuer à faire vivre un pan de la chanson française qui ne doit pas disparaître.


Comment expliquer qu’un artiste aussi universel soit désormais si peu présent ? Peut-être parce que les générations se sont succédé trop vite, parce que la radio privilégie la nouveauté au détriment de la mémoire. Ou peut-être simplement parce que, sans voix comme celle d’Emily, le souvenir finit toujours par s’effacer.


Mais dans le cœur de ceux qui l’ont aimé, Bécaud ne s’est jamais tu. Sa musique continue d’habiter les foyers, de bercer les enfants, d’émouvoir les amoureux. Ses chansons ont cette qualité rare : elles ne vieillissent pas. Elles racontent encore la même émotion, la même urgence de vivre, le même goût de liberté.


Emily le sait : il ne suffit pas d’être une légende pour être écouté. Il faut aussi être défendu. Et c’est ce qu’elle fait, seule ou presque, avec cette énergie qui semble être un héritage familial. « Bécaud, c’était l’élégance du geste et la puissance du cœur », dit-elle souvent. « Il donnait tout sur scène, il vivait chaque chanson comme une promesse. »


Aujourd’hui, elle rêve d’un grand hommage, d’une soirée où les artistes d’aujourd’hui reprendraient ses plus beaux titres. Un projet qui, selon elle, pourrait rappeler à la France ce qu’elle doit à cet homme au regard bleu et au sourire indomptable.


ree

Car, comme le disait souvent Gilbert Bécaud lui-même, « L’amour, c’est comme une chanson. Il suffit d’une note juste pour que tout recommence. »


Alors, peut-être qu’un jour prochain, entre deux tubes contemporains, une radio laissera résonner ces mots simples et puissants :Et maintenant, que vais-je faire ?

Et ce jour-là, quelque part, Emily Bécaud pourra enfin sourire.



 
 
 

Commentaires

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
bottom of page